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mercredi 22 novembre 2017

Le numéro de la discorde (historiette)

Le numéro de la discorde

Il était sorti très vite, le café tiède à peine avalé. L’air du matin l’avait happé. Le temps de traverser le jardin, une pluie brutale se mit à le cingler. Il venait de mettre le contact, quand ... il se souvint de “l’Oubli“.

Il se dirigea vers la maison. La clef si bruyante dans la serrure allait faire japper Mélinda. Cela réveillerait tout le monde. Cependant, la pluie tambourinait déjà contre les vitres, prélude du concert !
Il se mit à parler tout doucement à la chienne postée derrière la porte d’entrée, fit jouer la clef en douceur, tenta de contrôler l’inévitable grincement des gonds mal huilés.

Il avança sur la pointe des pieds, flattant d’une main le museau affectueux.

Où avait-il bien pu laisser ce papier avec ce numéro noté ?
Il refit son parcours habituel. Les toilettes : non ! La salle de bains : rien ! La cuisine : néant !
Dans le séjour, Marthe était en train de taper le 118, la tête pleine de questions et le papier posé près d'elle...




Il se figea sur place.

Céline Roumégoux

mercredi 27 septembre 2017

Trou de mémoire (poésie)



Trou de mémoire




Tu le savais bien et tu as tout oublié
Le nom de la petite rue du rendez-vous
La lumière de décembre sur le quartier
Les rires des enfants qui volaient sur leurs joues

Tu le savais bien et tu as tout dissipé
L’odeur des marrons au tournant du carrefour
La douceur du soir dans son grand voile doré
Les mots doux chuchotés débordant de «  toujours »

Tu le savais bien et tu as tout déchiré
Les lettres parfumées qui célébraient l’amour
Les billets tendres au creux des coussins délaissés
Les carnets griffonnés qui consignaient les jours

Envolés les serments passionnés d’autrefois
Effacés les paroles et les gestes adorés
Enfuie la tendresse des tout premiers émois
Tu le savais bien mais tu as tout oublié

Céline (septembre 2017)

mardi 2 mai 2017

Le Viol des colombes



Le Viol des colombes

La grande famille, René Magritte (1947-1963)

On ne se soucie pas de ces gens-là.

On n’ignore rien mais on n’en veut pas.

Elle a quinze ans et lui à peine dix.

Du  Pakistan ou de Persépolis,

D’Érythrée, de Somalie, de Syrie,

Ils ont cheminé, ils sont amaigris.



Plus de père, de mère, plus de frère,

Les yeux vides, pieds blessés et sans terre,

Ils se sont trouvés tout près de la mer.

La grande a pris la main du plus petit.

Ils ont sauté dans le canot maudit

Sans savoir, de la traversée, le prix.



La mer les a secoués bien trop fort.

Les hommes ont beaucoup comprimé leurs corps,

Ont voulu les jeter par-dessus bord.

La grande a protégé le plus petit.

Elle leur a dit : « Je le ferai, oui.

S’il le faut, je périrai avec lui. »



Ils ont échoué dans un beau pays,

L’initiateur de la démocratie,

S’ils peuvent croire ce qu’on leur a dit.

Mais on les a triés, parqués, reniés.

Le plus petit a protégé l’aînée

Quand les brutes ont voulu la violer.



Elle a quinze ans et lui à peine dix.

Du  Pakistan ou de Persépolis,

D’Érythrée, de Somalie, de Syrie,

Ils ont cheminé, ils sont amaigris.

On ne se soucie pas de ces gens-là.

On n’ignore rien mais on n’en veut pas.

Céline Roumégoux

vendredi 20 janvier 2017

Yes, we can !



Yes, we can !

- Pénurie générale ! Plus d’électricité, plus de gaz, plus de fuel ! 


- Heureusement, il y a encore de l’eau !


- Les récentes inondations ont rempli les nappes, mais elles sont contaminées.


- Par chance, on a encore de la javel et des filtres.


- L’inconvénient, c’est que l’eau n’est pas potable quand même.


- Pas grave, on peut la faire bouillir, avec des réchauds à gaz : il y a encore des réserves.


- Le problème c’est que les magasins ne sont plus approvisionnés et que tout est épuisé.


- Il reste le bois qu’il suffit d’aller ramasser dans les forêts. Ensuite, on bricole un foyer.


- En pleine campagne, c’est encore possible sinon comment le transporter ? De plus les forêts privées sont surveillées par des gardes armés.


- On a des réserves de vin, cela fera l’affaire en attendant.


- Dites cela aux bébés ! Et lavez-les au beaujolais !




- Vous avez réponse à tout, c’est désespérant ! Il suffit d’avoir de l’imagination et du courage et nous trouverons bien le moyen de survivre. Yes, we can, a dit le président noir.


- Il l’a dit, en effet, et à présent les Américains sont logés à la même enseigne que l’Europe, l’Afrique et tous les continents. C’est la fin, voyez-vous. Les loups vont se battre et se manger entre eux et les survivants devront tout recommencer à zéro ou presque.


- Vous êtes alarmiste et totalement négatif. Il ne faut pas baisser les bras. Nos parents ont connu la guerre et ils ont survécu.


- Sauf les morts sous les bombes et dans les camps ! Et vous oubliez que la terre entière n’était pas en guerre !


- On va s’organiser et partager ce qu’on a et inventer les moyens de continuer.


- Regardez ce qu’il se passe : c’est le pillage et le meurtre : la loi de la jungle. C’était prévisible, non ?


- On peut mettre hors d’état de nuire les brigands. Cela va être sanglant mais nécessaire dans l’intérêt général.


- Vous avez vu l’allure des brigands ? Des mères de famille affolées à l’idée de ne pas trouver de quoi faire vivre leurs enfants !


- D’accord, il va y avoir une période difficile. Le temps de tout mettre au point, de retrouver des gestes et des habitudes perdues mais on y arrivera ; il faut commencer tout de suite.



Et ils commencèrent, les hommes et les femmes de l’an neuf. Ils retroussèrent leurs manches. Ils transportèrent, à vélo, à brouette, à cheval, à chien, à âne, tout ce qu’ils pouvaient. Ils creusèrent pour dégager des sources. Ils plantèrent des choux et des raves. Ils élevèrent des poules et des lapins. Ils fabriquèrent des bougies avec du suif.



Ils étaient revenus cent ans en arrière !





Et si l’avenir c’était le passé avec les acquis du présent ?

Comment disais-tu, petit frère ? Ah oui, on s’en souvient : yes we can !

Céline (janvier 2009)