Un été de plume
La poubelle rendait l’âme et cette âme montait
au ciel sous la forme d’une pyramide de bouteilles et de boîtes de conserves
vides. Le bocal de la cafetière électrique restée allumée plusieurs jours s’était
fissuré. Une coulée du plus bel effet s’était lovée, d’abord sur la céramique,
puis entre les portes blanches du placard, sous l’évier.
Martin
regardait avec résignation ce drôle d’orvet noirâtre en train de se dessécher.
Des torchons souillés trainaient sur la
table. Des assiettes marinaient dans l’eau grasse.
Quarante
huit heures seulement que sa femme et les enfants étaient partis en Andalousie
et déjà la cuisine prenait des allures d’auberge de jeunesse...
Il
s’imposa une critique rapide mais sans complaisance. Pilar dénonçait souvent
son manque de rigueur domestique et sans doute ses griefs étaient-ils fondés.
Il aurait du se reprendre, faire des efforts, mais il n’en ressentait pas
vraiment le besoin.
Il
réduisit la flamme sous la casserole et remua avec douceur les haricots à la
tomate pour éviter qu’ils ne caramélisent sur le fond. De sa main gauche restée
libre, il tâtonna dans le tiroir pour récupérer le tire-bouchon, puis se baissa
pour attraper la bouteille de Beaujolais qu’il coinça entre ses cuisses.
C’est
à cet instant que les carreaux de la fenêtre entrebâillée volèrent en éclat
dans un bruit de canonnade. Coup au cœur et sursaut en recul, Martin resta figé
quelques secondes, le temps de retrouver sa sérénité. Ce n’était pas la foudre.
Le ciel de ce début d’août, d’un bleu uniforme flânait calmement sur les toits.
Il
se mit à balayer machinalement les morceaux de vitre et de bouteille confondus
dans une même flaque acide. Des virgules violacées émaillaient les murs et,
plus navrant encore, ses pantoufles étaient trempées.