Présence
clandestine
Statue en bronze de Saint-Exupéry et du Petit Prince
au sommet d'une colonne en marbre, place Bellecour
par Christiane Guillaubey.
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Dis, monsieur, s’il vous plaît, montre-moi ta ville.
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Tu sais, c’est bien loin d’ici.
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Et si tu répares ton avion, tu voudras m’y conduire, dis ?
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Je n’y connais plus personne et ce serait pire que ce désert pour moi, mon
petit bonhomme.
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On pourrait juste regarder et ne pas se faire voir.
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Si tu veux mais il reste du travail pour faire voler mon avion.
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Je suis très patient. Tu dis qu’ici le temps n’existe pas.
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Eh oui, le temps, petit Prince, c’est juste une illusion.
Alors,
ils sont partis, tous les deux, dans le petit avion et ils ont volé longtemps,
longtemps. Ils ont traversé la grande mer qui brillait et sont arrivés
au-dessus de Lyon. Ils ont tourné, tourné. Ils ne savaient où se poser. Et tout
était tellement grand et peuplé !
Lyon, place Bellecour, Sant-Exupéry est né dans le grand bâtiment au fond de la place, à droite.
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Tu la vois, ta place, dis, monsieur ?
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Oui, elle est toujours là, on dirait. Penche-toi un peu, c’est ce carré rose
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Et ta maison ? Tu la trouves aussi ?
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Elle a changé de couleur, mais elle est encore debout, au coin de la place
Bellecour. Ici, tu vois ?
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Et si on se posait ?
Depuis,
sur la place à l’écart, côté ouest, a poussé une drôle de colonne de marbre
blanc. Elle est haute. C’est un bon poste d’observation. Les passants ne
pensent pas à lever la tête. Ils sont bien tranquilles tous les deux. Tout de
même, il ne fait pas chaud, perchés là haut, incognito. Antoine est assis, les
jambes dans le vide, le col relevé et les mains dans les poches. Son casque et
ses lunettes sur la tête, il observe sa ville. Le dos tourné à sa maison, il
semble mélancolique. Le petit prince, lui aussi, frissonne un peu, cheveux
bouclés au vent. Il est debout, la main droite dans la poche, la gauche posée
tendrement sur l’épaule droite de son père adoptif. Sa longue écharpe lui est
bien utile. Avec ses petits yeux en boutons de bottines, quelle mine espiègle !
Ils ont l’air d’être en bronze tous les deux et ce n’est même pas vrai.
Christiane Guillaubey le sait bien, elle qui les a sculptés. Peut-être que la rose les
rejoindra et ils resteront là, discrètement et pour toujours.
Céline
Roumégoux