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jeudi 31 décembre 2020

L'année à masquer, poème

 

La Marianne et le poilu du monument aux morts portent un masque contre le coronavirus pour inciter les gens à en porter un

 

L’année à masquer

 

Deux mille vingt, en douce, l’air de rien.

Deux mille vint finir la décennie.

Deux mille, vain espoir pour nous terriens.

Deux mille vainc la joie et s’ingénie

 

A répandre la terreur et la mort.

On a dit que des pangolins chinois

Avaient fait le coup, Ô mille sabords,

Dans un banal marché, en tapinois !

 

On a dit : « Ce n’est pas vraiment sérieux,

Ce virus, on ne l’attrapera pas. 

Les masques, on ne s’en servira pas.

Chez nous, on a des pontes ingénieux. »

 

Ils nous disent qu’ils maîtrisent bien tout.

Pas de craintes pour une simple toux.

Depuis, Bergame a enterré des corps,

Des dizaines, des centaines de morts.

 

COVID19 France : Le jour d'après c'est aujourd'hui | Ops & Blogs | The  Times of Israël

 

La France s’est retrouvée démunie,

De ses vieux, elle a appris l’agonie.

Dehors ! Pas assez de respirateurs,

On fait le tri et les jeunes d’abord.

 

Puis on confine tous les travailleurs

Pendant que palabre l’état-major

Les masques, on en a vraiment besoin

Mais, comme c’est idiot, on n’en a point.

 

Tous les soirs, on applaudit l’hôpital

Qui se fout de la charité publique,

Abonné au minimum syndical

Que lui  rétrocède la République.

 

C’est l’été, on se dégourdit l’esprit.

On en profite, on trinque, on batifole.

La camarde, et sa sorcellerie

On en rit et on fait des cabrioles.

 

Mais arrive octobre et on se repent

Et c’est l’heure du reconfinement.

Tout redevient alors non essentiel

Sauf  les vaccins qui sont providentiels.

 

Noël approche, on nous libère un peu,

Mais ne soyez que six au réveillon.

Pour la saint Sylvestre, c’est couvre-feu

Obéissez, aucune rébellion.

 

Céline Roumégoux

mardi 8 septembre 2020

Tempêtes de Christian Martinasso, extrait de Missives Bleues, Éditions Maïa (à paraître)

 

Tempêtes

 

À l'avant, sur la proue d'un mythique drakkar viking, le visage fouetté par des embruns de mots salés, j'affronte des tempêtes de vagues en furie, pour, malgré les éléments déchainés, remonter, à la force des bras de rameurs musclés, rythmé par des tambours épais, sur des roulements sourds, les courants qui ne veulent que m'éloigner du refuge de mon rêve emprisonné.

 

L'image chamarrée de son visage angélique se dessine par esquisses entre les nuages noirs qui veulent assombrir les cieux qui enveloppent mes pensées masquées par d’épais barreaux forgés.

 

L'embarcation, accompagnée de milles sirènes bondissantes, brave cet océan fou qui, jamais, ne pourra dresser d'obstacles suffisants pour briser mon désir de rejoindre l'ile paradisiaque.

 

 

Après des jours d'obscurité, enfin, le soleil perce les cieux et, camouflées derrière un triple arc en ciel, apparait, à l'horizon, les rivages ou, reposé, je pourrai refugier ma passion enchainée depuis des jours et m'abreuver du visage de cet espoir libéré.

 

Écrivain en manque de toi, qui, penché en avant, avance contre des vents sombres pour émerger bientôt en pleine lumière, entre les bras cette noble aspiration si attendue.

 

(Texte extrait de Missives Bleues de Christian Martinasso Éditions Maïa (à paraître))

 

lundi 20 avril 2020

"Manques de toi" de Christian Martinasso




                                    Manques de toi

Je suis en manque d'aveux de manques :

Tes mains, ton sourire, ta voix, ton regard me Manquent
En Manque de toi, je cherche ton odeur, tes mimiques, ton cou.
Ton image s'étiole en flamboyants lambeaux dans les limbes de mes songes.
 

Je cherche ta senteur, ta peau, tes épaules, ton dos, tes cuisses.
Je suis Tout en Manque de Toi,
En Manque de Tout Ton Toi,
Toi, Tu, Tout de Toi me Manque.
 

Je m'endors enroulé autour de mes rêves, enlacé d'images floues de ton corps dénudé.
 

Ta beauté, ton reflet esquissé dans un miroir, ton corps dévoilé, désiré, me Manquent.
 

C’est sensuellement, délicatement, agréable de retrouver cette passion de t’écrire, écriture qui me Manquait, jusqu’à cet instant, où je repose ma plume, apaisé d’avoir apaisé ce Manque de te dire, quel apaisement tu continues, sans cesse, d’apporter à chacun de mes Manques.
 
Textes extraits de Missives à sa Muse de Christian Martinasso Éditions Baudelaire parution 30/08/2019
Voir ICI


 

vendredi 28 février 2020

Le Plateau Grémone et ses hérissons, poème de Eliane Mévouillon

Le Plateau Grémone et ses hérissons

Photo de  Denis Champollion

Il fait un quinze février de dimanche gris
Mais en atelier-peinture jamais d’ennui…
J’arrive en retard et ce n’est pas banal
Au moment d’une sieste-lecture matinale.
Nous voilà partis sur le plateau Grémone (1)
Situé à Entrevennes, au-dessus d’Oraison.
Passé le village et son cadre merveilleux,
Nous arrivons, enthousiastes, sur les lieux.

Les amandiers, annonciateurs de printemps,
Chargés de fleurs odorantes nous attendent…
Chut, il ne faut surtout pas le répéter
Il nous a fallu couper quelques branchées
Pour reproduire à coup de pinceaux
Qui le bois, qui sa courbe, sa fleur ou son arceau.
Entre bosquets et champs dodelinants,
Notre gigantesque hangar nous attend.


Aquarelle de Jean-Louis Carribou

Nous nous installons contre ses bottes de paille
Pour faire croquis et menue ripaille.
Un petit vent aigrelet souffle, il ne fait pas chaud…
Mais on admire le paysage et on rit tout haut,
Comme des enfants pris en flagrant délit,
Tandis que Jean-Louis
(2) , tel un suricate craintif,
Surveille le moindre bruit de moteur
D’un potentiel garde-champêtre veillant aux fleurs.
 

Pendant ce temps, les nuages se pelotonnent
Et quelques rares rayons de soleil se dégagent,
Nous laissant voir l’éclaircie lumineuse
Et des couleurs de jaune et de vert, radieuse.
Des pointes d’épées tranchent dans l’horizon.
Ce sont les cyprès d’une propriété de renom.


Le café ne suffit pas à nous réchauffer
Nous décidons de rejoindre notre atelier.
Petit arrêt sur le retour à nos arbres fleuris.
Cueillette de thym parfumé, espace à l’envi,
Amandes de la saison passée, restées à terre,
Quelques photos-souvenirs familières.
Alors que le soleil montre le bout de son nez,
Le plateau, habillé de lumière, fait son effet.


Va, que les nouveaux téléphones sont agréables !
« Tom Dooley »
(3) nous réjouit de sa douceur affable.
Nous chantons cette vieille chanson
Et la dansons sur les pas d’un madison.
Endiablés de ce moment inédit et cocasse,
On invente dans l’auto tout un lot de frasques.


Les lavandes grises sont changées en hérissons,
Tous bien rangés en courbe sur les mamelons.
Il y en a des centaines, des milliers, une armée…
Le village et son écrin est bien gardé ! 


On passe l’immense propriété aux cyprès géants,
Celle du secrétaire de l’illustre Aga Khan
(4).
Pour rire, on lui écrit une lettre qu’on dit tout haut,
Chacun inventant un prétexte pour recevoir cadeau.



Et nous voilà arrivés pour finir en peinture,
Aux teintes de roses, les fleurs et ramures,
Pour rendre à Giono ce qu’il avait prévu
De la couleur à Grémone pour habiter l’espace nu.

(Ecrit par Eliane Mévouillon alias Néelia le 19.02.20)


Notes :

(1) Pour l'utopie du plateau Grémone inspiré de Que ma joie demeure, « l'endroit où souffle l'esprit » de Giono, paru en 1935 voir ICI

(2)  Pour Jean-Louis Carribou et  le concept des balades littéraires voir ICI

 (3) Voici la chanson qui nous a été inspirée par la vue d'une amie du groupe qu'on voyait de loin accroupie sous un amandier (pour sûr ramassant des amandes) mais qu'on a imaginée en train de faire une prière ! Spontanément la chanson est venue à ma bouche ! On s'est demandé pourquoi elle était si triste et ce qu'elle pouvait bien raconter. Voici l'explication par Philippe Clay. 


(4) Aga Khan voir ICI

dimanche 9 février 2020

L'envie, une vertu ?


L’envie, reine des vertus
ou le plaidoyer de la mauvaise foi

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs du Jury,
           
            Si je comparais aujourd’hui devant vous, c’est parce que j’ai succombé, dit la morale chrétienne, au péché d’envie. Un péché capital selon le code reconnu par tous. « Tu ne convoiteras pas le bien d’autrui, ni ses talents, ni ses amours ». Telle est la règle pour sauvegarder la paix sociale. Mais, pour citer Diderot, on nous a « prêché je ne sais quelle distinction du tien et du mien ». Ou comme disait Rousseau « Le premier qui ayant enclos un terrain s’avisa de dire : Ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. » Voilà, tout est dit : « trouva des gens assez simples pour le croire. » Là est l’imposture.


           
            Le premier qui s’est accaparé du bien commun et a mis son nom dessus est le vrai responsable. « La propriété, c’est le vol » confirmait Proudhon. La fin du Paradis, c’était déjà ça. Eve vola la pomme de la Connaissance, elle n’avait pas le droit, ce fruit était bien commun ou bien divin, c’est pareil et avec cette femme cupide l’humanité a basculé dans l’Enfer.

            Je sais, vous allez me traiter de communiste et dire que cette idéologie-là a montré ses carences. Mais précisément, c’est parce que l’envie est venue aux dirigeants de s’approprier l’âme et les biens du peuple. Ce péché-là est vieux comme le monde, c’est lui qui a fait notre grandeur comme notre malheur. Prenez Charlemagne, Louis XIV, Napoléon : n’ont-ils pas eu envie de diriger le monde, de le soumettre, de le posséder. Sont-ils des monstres ? Les montre-t-on du doigt ? Ils ont fait la grandeur et l’unité de la France disent les manuels d’histoire.

            Alors, qu’arriverait-il si l’humanité cessait d’avoir envie, si elle étouffait ses désirs. Le mot est lâché : désir. Que font les moines bouddhistes pour qui l’extinction du désir est le but suprême à atteindre pour échapper au samsara, la roue des existences perpétuelles : ils ne font rien précisément. Ils méditent et ils mendient. Ils ne sont pas agressifs, pas dangereux, ils sont simplement inutiles. Tout ce qu’ils veulent, car il y a toujours un désir, c’est que ça s’arrête. Tout, la vie, la renaissance, la mort. Ils aspirent au néant. Ils nient l’humanité.


            Alors M. le Président, Mesdames et Messieurs du jury, j’ose affirmer que bannir l’envie est un crime contre l’humanité, pire c’est une faute, un péché capital. L’envie, le désir c’est le moteur de l’homme. Grâce à lui, l’homme aspire à la connaissance, à la beauté, au bonheur, à l’amour, au confort. Sans lui, l’humain baisse les bras, il s’enferme, se durcit, se dessèche. A quoi bon vivre ? Car l’envie est la sœur de l’Espoir. Prenez garde, Mesdames et Messieurs, de ne jamais tuer l’Espoir, «  L’Espoir despotique »  comme disait Baudelaire.
            Une humanité désespérée est une humanité vaincue.
           
            Examinons à présent ce qui m’est reproché et vous conviendrez que ce n’est que broutille, et que ce qui me portait, c’était le désir, l’espoir, sans lesquels l’homme ne peut vivre.
            Qu’ai-je fait en réalité ? Vous dites que j’ai détourné des fonds à mon profit, que j’ai suborné des édiles et des électeurs, que j’ai profité des largesses de la nation et de la ville dont j’étais le maire. Cela fait des années que vous me poursuivez de vos assiduités, que vous essayez de m’accabler et de me déshonorer.
           
            Maintenant que je suis devenu un citoyen ordinaire, que je n’ai plus en charge la Nation, que je suis vieux et que je ne désire plus rien car j’ai tout eu, vous voulez me condamner. A quoi cela vous servira-t-il si ce n’est à assouvir votre envie de vengeance, votre immense jalousie, vous qui resterez à jamais d’obscurs personnages. Les livres d’histoire ne parleront pas de vous et cela, vous ne le supportez pas. Mais les Français, eux, m’ont massivement soutenu, m’ont porté au pinacle. Même les chansonniers ne parvenaient pas à me rendre antipathique. J’avais la pêche, vous comprenez, l’énergie, l’envie, le désir, et j’apportais à tous l’Espoir d’une France débrouillarde, roublarde, séductrice, triomphante, vivante en un mot. La perfection fait peur, comprenez-vous. Voyez-les, les vertueux, les frileux, les frustrés, ils deviennent des tyrans car il leur manque l’essentiel : la recherche du plaisir, l’accomplissement de leur désir.
           
            Mesdames et Messieurs, si vous me condamnez, vous ferez le procès de la Vie, vous serez les auxiliaires de la Mort. Vous ferez de moi une victime et un symbole, et vous ne ferez que briser temporairement l’Envie. Car elle renaîtra, plus forte, plus dangereuse d’avoir été si sévèrement jugulée.

            Prenez garde à elle, car elle vous consumera si vous la combattez. Elle est le moteur du Monde, même les Dieux nous l’envient !

(Céline Roumégoux)