Le Viol des
colombes
La grande famille, René Magritte (1947-1963)
On
ne se soucie pas de ces gens-là.
On
n’ignore rien mais on n’en veut pas.
Elle
a quinze ans et lui à peine dix.
Du
Pakistan ou de Persépolis,
D’Érythrée,
de Somalie, de Syrie,
Ils
ont cheminé, ils sont amaigris.
Plus
de père, de mère, plus de frère,
Les
yeux vides, pieds blessés et sans terre,
Ils
se sont trouvés tout près de la mer.
La
grande a pris la main du plus petit.
Ils
ont sauté dans le canot maudit
Sans
savoir, de la traversée, le prix.
La
mer les a secoués bien trop fort.
Les
hommes ont beaucoup comprimé leurs corps,
Ont
voulu les jeter par-dessus bord.
La
grande a protégé le plus petit.
Elle
leur a dit : « Je le ferai, oui.
S’il
le faut, je périrai avec lui. »
Ils
ont échoué dans un beau pays,
L’initiateur
de la démocratie,
S’ils
peuvent croire ce qu’on leur a dit.
Mais
on les a triés, parqués, reniés.
Le
plus petit a protégé l’aînée
Quand
les brutes ont voulu la violer.
Elle
a quinze ans et lui à peine dix.
Du
Pakistan ou de Persépolis,
D’Érythrée,
de Somalie, de Syrie,
Ils
ont cheminé, ils sont amaigris.
On
ne se soucie pas de ces gens-là.
On
n’ignore rien mais on n’en veut pas.
Céline
Roumégoux