Mes chers enfants,
Cela fait des
générations et des générations que je vous protège, vous guide, vous remet dans
le droit chemin. Je suis attentif au moindre d’entre vous ; j’entends
toutes vos prières, vos colères. J’assiste, attristé, à toutes vos
ignominies : cruauté, avidité, désir de toute puissance. Je n’interviens
pas comme cela me serait possible pour vous empêcher de commettre
l’irréparable. Non, je vous souffle la voie du bien par le chemin de votre
conscience, mais je vous laisse libres. Sinon ce ne serait pas vous aimer, mais
vous diriger comme des marionnettes. J’espère sans cesse vous voir faire des
progrès, vous élever, vous purifier.
Certains d’entre vous y parviennent.
Comment vous décrire alors la joie de mon cœur de père ! Je me dis
« Cela vient petit à petit, l’homme est sorti de l’âge de pierre et de
fer, il devient chaque siècle plus sensible, plus généreux ». Tous ne
marchent pas d’un pas égal, bien sûr. Il y a des restes de barbarie dans vos
sociétés civilisées et quelquefois plus d’humanité dans les sociétés en voie de
développement, comme vous dites.
Mais malgré ces
petites satisfactions, les résultats sont plutôt médiocres, pire j’ai
maintenant le sentiment d’avoir failli à ma mission, à mon œuvre de créateur.
Longtemps, j’ai hésité comme un peintre déçu par son tableau et qui le détruit,
ou un écrivain qui déchire rageusement son dernier roman. Mais je ne suis pas
un destructeur, je sais que mon œuvre est vivante et je la croyais perfectible.
Seulement, je me
lasse, je suis trop affligé. Récemment, vous avez dépassé les bornes :
vous vous attaquez au reste de ma création : les plantes, les forêts, la
mer, les animaux, les rivières et jusqu’à l’espace que vous polluez et
encombrez de satellites. Votre planète brûle déjà.
Alors, cela
m’est insupportable. Je crois que je me suis trompé. Je vous ai fait trop
confiance. J’ai parié sur votre honnêteté et j’ai perdu.
Le cœur brisé,
mes chers enfants, j’ai donc décidé de me retirer, de vous abandonner.
Oui ! Je démissionne comme vous.
J’ai bien pensé
vous laisser quelques protecteurs compétents, comme vos anges-gardiens ou
autres archanges. Mais ils refusent tous de rester sans moi, ils disent qu’ils
n’auront pas la force de vous supporter et que, de toute façon, vous ne les
écouteriez pas.
Mes chers
enfants, je vous laisse vous débrouiller, vous êtes grands maintenant.
N’oubliez pas mes conseils. Peut-être, vous sachant seuls désormais, serez-vous
plus prudents, meilleurs, adultes, enfin
Mais je dois
vous prévenir, vous êtes désormais vulnérables comme jamais, d’autres
puissances chercheront à s’emparer de vous, au premier rang desquelles se
trouve l’Antique Satan. Mais je dois vous avouer une chose qui me fend le
cœur : je crois qu’il est déjà parmi vous.
Dieu.
(Ecrit par Céline Roumégoux )